Ariel Spiegler

Couchée sur la terre
comme après la lutte,
ce soir j’ai perdu la guerre.

Je ne m’accroche plus, même à l’herbe,
défaite, reddition, ou l’air inattendu,
puisque le mensonge s’arrête.
La nuit lointaine monte,
mais au silence je n’ai pas froid.

Vogue, vogue, ma vie nouvelle,
je suis suffisamment blessée.

Qui est ce vide impitoyable,
rendu libre à l’air du soir ?
Mon âme en voyage,
laisse-moi t’écouter,
même s’il est trop tard.

Un homme admire d’une barque
les oiseaux du ciel et les lys des vallées.

Mon coeur, trop faible pour un coup de trop,
attend le jardinier
qui marche sur l’eau.

Vogue, vogue, ma vie nouvelle,
je suis suffisamment blessée. 

Le rauque des voix aux syllabes
s’accroche à des mots trop nus
pour sortir de la gorge.

Des amourettes se dissipent
quand on souffle dessus,
et parfument l’après-midi,
d’un gazouillis éperdu de tendresse.

Disperser dans les rues les confettis
comme au soir de la noce
de ce temps qui ne m’appartient pas.

Je pensais m’être donnée à toi.
Pour qui, folle, t’ai-je pris ?
Je pensais t’être fidèle, et te servir,
mais je t’ai enfermé dans mon délire,
et j’ai pris toute parole pour ta parole.
Je t’ai confondu
avec les chants que suscitait ta gloire.
Je me suis arrêtée, fascinée, sous le porche,
sans pousser la petite porte où il faut s’abaisser
pour manger avec toi le poisson grillé.
Tes amis non plus n’avaient rien compris.